INFOS

Netflix et le défi de la qualité d'image : l'AV1 FGS à la rescousse

Longtemps critiqué pour ses compromis qualité-débit, Netflix opère depuis juillet 2024 une révolution silencieuse de sa qualité d'image. Avec le déploiement massif de l'AV1 Film Grain Synthesis (FGS), la plateforme de streaming s'attaque enfin à l'un de ses talons d'Achille historiques : la conservation du grain cinématographique authentique.

Une évolution technique majeure après des années de compromis

L'histoire de Netflix et de la qualité vidéo ressemble à un long parcours fait d'innovations et de concessions. Depuis ses débuts en streaming en 2007, la plateforme a constamment jonglé entre trois impératifs contradictoires : proposer une qualité d'image satisfaisante, optimiser les coûts de bande passante et garantir une diffusion fluide sur l'ensemble de ses 247 millions d'abonnés mondiaux.

"Netflix encode généralement les choses à un débit binaire absurdement bas, en particulier leur contenu HD standard non 4K", déplorait encore en juin 2023 un utilisateur sur Reddit, reflétant une critique récurrente de la communauté cinéphile.

Ces reproches ne sont pas infondés : pour maintenir ses coûts d'infrastructure, Netflix a historiquement privilégié des taux de compression agressifs, sacrifiant parfois la fidélité visuelle au profit de l'accessibilité technique.

L'évolution des codecs : de H.264 à AV1, une marche forcée vers l'efficacité

L'évolution technologique de Netflix s'est articulée autour de trois générations de codecs. D'abord le H.264, standard depuis 2007 mais limité en efficacité de compression. Puis le VP9 de Google, adopté progressivement à partir de 2016, offrant des gains substantiels. Enfin l'AV1, membre fondateur de l'Alliance for Open Media avec Google, Amazon et Apple, que Netflix déploie depuis 2021 [Netflix Research].

Andrey Norkin, l'un des ingénieurs de Netflix impliqués dans le développement AV1, souligne l'enjeu : "AV1 permet de diffuser de la vidéo haute qualité à des débits inférieurs" [AOMMedia]. Une promesse technique cruciale quand on sait qu'un flux 4K HDR Netflix à 16 Mbps équivaut aujourd'hui à seulement 20% du débit d'un Blu-ray 4K, selon les analyses techniques de la communauté.

L'AV1 Film Grain Synthesis : quand la technologie réconcilie art et efficacité

La véritable révolution de 2024 réside dans l'activation massive de l'AV1 Film Grain Synthesis. Cette technologie, développée par l'équipe de Li-Heng Chen et Andrey Norkin, résout un problème fondamental du streaming : le grain cinématographique.

"Le grain cinématographique, formé par de minuscules particules lors du développement du film, joue un rôle clé dans la narration en renforçant la profondeur du film et en contribuant à son réalisme", expliquent les ingénieurs Netflix [Netflix TechBlog].

Problème : sa nature aléatoire en fait l'ennemi de tous les algorithmes de compression.

La solution Netflix ? Séparer le grain de l'image avant compression, puis le reconstituer synthétiquement à la lecture. Le processus repose sur deux composants : un modèle auto-régressif pour reproduire le motif du grain et une fonction de mise à l'échelle pour contrôler son intensité selon les conditions d'éclairage.

Des résultats spectaculaires : 66% de réduction de débit, amélioration qualitative

Les premiers résultats dépassent les attentes. Sur le titre Netflix "They Cloned Tyrone", la comparaison révèle une réduction de débit de 66% : de 8 274 kbps en AV1 standard à 2 804 kbps avec FGS, sans perte visuelle notable [Netflix TechBlog].

À l'échelle du catalogue, les gains sont significatifs : 36% de réduction moyenne pour les résolutions 1080p et supérieures sur 300 titres testés. Les bénéfices pour l'expérience utilisateur se mesurent concrètement : 24% de réduction du débit initial, 31,6% du débit moyen, 3% d'erreurs de lecture en moins, 10% de rebuffering réduit et 10% d'amélioration des temps de démarrage.

Les limites persistantes : compatibilité et défis techniques

Malgré ces avancées, des obstacles demeurent. La technologie AV1 FGS nécessite des appareils compatibles, limitant encore son déploiement. "Pour en profiter, il faut disposer d'un ordinateur équipé d'un navigateur prenant en charge cette technologie ou d'une TV connectée compatible", précise l'analyse de l'Éclaireur Fnac.

De plus, Netflix reconnaît manquer encore d'outils d'évaluation spécifiques : "Nous n'avons actuellement pas de modèle de qualité dédié à la synthèse de grain cinématographique", admettent les ingénieurs. Les métriques classiques comme PSNR ou VMAF pénalisent cette approche car le grain synthétique n'apparaît pas aux mêmes positions pixel que l'original.

Impact pour l'industrie audiovisuelle : vers un nouveau standard ?

Pour les professionnels du secteur, cette évolution marque potentiellement un tournant. Les producteurs et distributeurs pourraient réduire leurs coûts de diffusion tout en préservant l'intégrité artistique de leurs œuvres. Les techniciens audiovisuels doivent désormais intégrer ces nouvelles technologies dans leurs workflows de post-production.

L'adoption progressive du HDR10+ en complément du Dolby Vision [Les Numériques] confirme la volonté de Netflix de rattraper son retard qualitatif face aux supports physiques premium.

Perspectives : vers l'AV2 et au-delà

Netflix continue d'investir massivement dans la recherche en compression vidéo. L'équipe explore déjà les extensions HDR pour VMAF, sa métrique propriétaire de qualité vidéo, et travaille sur l'optimisation des encodages par plans pour la 4K [Netflix TechBlog].

L'horizon AV2, successeur d'AV1 actuellement en développement, promet des gains encore plus substantiels. Cette course technologique illustre l'enjeu stratégique de la qualité dans un marché du streaming de plus en plus concurrentiel.

"Cette réalisation est le résultat d'un effort collaboratif entre plusieurs équipes Open Connect de Netflix", soulignent les auteurs, témoignant de l'investissement considérable consenti par la plateforme [Netflix TechBlog].

Netflix semble enfin avoir trouvé la formule pour réconcilier contraintes économiques et exigences artistiques. Reste à voir si cette innovation suffira à combler définitivement l'écart avec les supports haute qualité et à satisfaire les attentes croissantes des créateurs et spectateurs.

Mots-clés

#Netflix#AV1#StreamingQuality#VideoCodec#FilmGrain#TechnologieVideo#Audiovisuel#Innovation#Compression#QualitéImage