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Microsoft et le cimetière numérique : la fermeture de “Films et TV”, une nouvelle tombe pour le divertissement

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Le 18 juillet 2025, sans le moindre préavis, Microsoft a mis un terme abrupt à la vente et à la location de films et de séries sur sa boutique “Films et TV”, accessible via les consoles Xbox et les appareils Windows. Cette décision, bien que prévisible pour les observateurs avertis de la stratégie de l'entreprise, a pris de court des millions d'utilisateurs qui avaient investi dans cet écosystème numérique. Loin d'être un simple ajustement commercial, cette fermeture s'inscrit dans une série d'abandons qui dessinent une stratégie de divertissement de plus en plus étroite chez le géant de Redmond, après les disparitions successives de services comme Groove Music ou Zune. Cette nouvelle étape soulève des questions fondamentales sur la nature de la propriété numérique, la pérennité des contenus dématérialisés et l'impact de telles décisions sur l'ensemble du secteur audiovisuel, des producteurs aux distributeurs, en passant par les techniciens. Quelles sont les implications réelles de cette fermeture pour les utilisateurs et pour l'industrie ? 


Une fermeture aux allures de déjà-vu


La fermeture de la boutique Films et TV de Microsoft n'est pas un événement isolé, mais plutôt le dernier chapitre d'une longue série de tentatives et d'échecs de la part de l'entreprise pour s'imposer dans le secteur du divertissement numérique. Pour comprendre la portée de cette décision, il est essentiel de la replacer dans une perspective historique, marquée par des changements de cap incessants et un manque de vision à long terme. 


L'aventure de Microsoft dans la distribution de contenu vidéo a commencé en 2006 avec le Zune Marketplace, une plateforme qui, à l'époque, était en avance sur son temps en proposant un service de streaming bien avant que celui-ci ne devienne la norme. Le Zune, conçu pour concurrencer l'iPod d'Apple, n'a jamais réussi à s'imposer, et avec lui, sa boutique de contenus a périclité. En 2012, Microsoft a tenté de rebondir

en lançant Xbox Video, un service intégré à son écosystème de jeu, qui a ensuite été rebaptisé Films et TV en 2015. Malgré ces changements de nom et de stratégie, la plateforme n'a jamais réussi à rivaliser avec les géants du secteur comme iTunes, Google Play, et plus tard, les services de SVOD comme Netflix. 


Cette histoire mouvementée est symptomatique d'une stratégie plus large de Microsoft, qui a progressivement abandonné ses ambitions dans le domaine du divertissement pour se concentrer sur son cœur de métier : le logiciel, le cloud et, surtout, le jeu vidéo. La fermeture du service de streaming musical Groove Music en 2017 a été un signe avant-coureur de ce désengagement. Comme pour Films et TV, les utilisateurs de Groove Music se sont retrouvés avec une bibliothèque de musique numérique inutilisable en dehors de l'écosystème Microsoft, et sans autre solution que de se tourner vers des services concurrents. 

Ce recentrage stratégique sur le jeu vidéo, bien que compréhensible d'un point de vue commercial, a des conséquences directes pour les utilisateurs qui avaient fait confiance à Microsoft pour la gestion de leur bibliothèque de contenus numériques. La fermeture de Films et TV est donc bien plus qu'une simple décision commerciale ; c'est la confirmation d'une tendance de fond qui voit Microsoft se désengager de pans entiers de l'écosystème du divertissement, laissant derrière lui des utilisateurs captifs et un sentiment de méfiance grandissant.


Les conséquences pour les utilisateurs : la propriété numérique en question 

La fermeture de la boutique Films et TV de Microsoft met en lumière une problématique centrale de l'ère numérique : la nature illusoire de la propriété des contenus dématérialisés. Lorsque l'on achète un film ou une série sur une plateforme numérique, on n'acquiert pas réellement le contenu lui-même, mais plutôt une licence d'accès, soumise aux conditions d'utilisation du fournisseur. La décision de Microsoft de cesser la vente de nouveaux contenus, tout en promettant l'accès aux achats antérieurs, est un rappel brutal de cette réalité. 

Microsoft a déclaré que les utilisateurs pourraient continuer à accéder à leurs films et séries précédemment achetés via l'application Films et TV sur leurs appareils Xbox ou Windows. Cependant, cette promesse de pérennité est fragile. Elle dépend entièrement de la volonté de Microsoft de maintenir les serveurs nécessaires à la diffusion de ces contenus. L'histoire de l'industrie numérique est jalonnée d'exemples de services fermés, laissant les utilisateurs avec des bibliothèques numériques inaccessibles. La fermeture de Groove Music en 2017 par Microsoft elle-même est un précédent inquiétant, où les utilisateurs ont vu leurs achats musicaux devenir inopérants sans solution de remplacement viable. 

Le manque de remboursement offert par Microsoft pour les achats récents est également un point de discorde majeur. Bien que les conditions générales de vente puissent stipuler que les films et séries ne sont pas éligibles aux remboursements, l'absence de préavis et la nature soudaine de la fermeture soulèvent des questions éthiques. Les consommateurs qui ont investi des sommes considérables dans leur bibliothèque numérique se retrouvent lésés, contraints de se tourner vers d'autres plateformes pour leurs futurs achats, sans garantie que l'histoire ne se répétera pas. 

La solution proposée par Microsoft pour les utilisateurs américains, à savoir le service Movies Anywhere, est une maigre consolation. Movies Anywhere permet de synchroniser certains films achetés avec d'autres détaillants participants (Apple, Amazon Prime Video, Fandango, Google Play/YouTube, Comcast's Xfinity). Cependant, cette solution est limitée aux États-Unis et ne concerne que les films des studios participants (Disney/Fox, Sony, Universal, Warner Bros). Pour les utilisateurs en dehors des États-Unis ou ceux dont les contenus ne sont pas couverts par Movies Anywhere, la seule option est de continuer à utiliser l'application Films et TV de Microsoft, avec l'incertitude quant à sa durée de vie. 

En fin de compte, cette fermeture est un coup dur pour la confiance des consommateurs dans les écosystèmes numériques fermés. Elle souligne la nécessité pour les utilisateurs de diversifier leurs sources d'achat et de ne pas placer tous leurs œufs dans le même panier numérique. Pour les professionnels de l'audiovisuel, c'est un rappel que la distribution numérique, bien que pratique, comporte des risques inhérents liés à la volatilité des plateformes et à la nature éphémère de la propriété numérique.


L'impact sur l'industrie audiovisuelle : un marché en pleine mutation 


La disparition de la boutique Films et TV de Microsoft, bien que n'étant pas un acteur majeur du marché de la VOD, n'en demeure pas moins un signal fort pour l'industrie audiovisuelle. Elle témoigne d'une concentration croissante du marché de la distribution numérique entre les mains de quelques géants, et soulève des questions sur la diversité de l'offre et la visibilité des œuvres. 


Dans un paysage où les plateformes de streaming par abonnement (SVOD) dominent de plus en plus, les services de VOD à l'acte (achat ou location) peinent à trouver leur place. La décision de Microsoft de se retirer de ce segment confirme cette tendance. Le marché est désormais largement partagé entre des acteurs comme Amazon Prime Video, Apple TV, Google Play, et les plateformes de SVOD telles que Netflix, Disney+, et HBO Max. Cette concentration, si elle peut simplifier l'accès pour le consommateur, pose des défis majeurs pour les producteurs et les distributeurs. La dépendance vis-à vis d'un nombre restreint de plateformes peut limiter la négociation des droits et la visibilité des œuvres, en particulier pour les productions indépendantes ou de niche.

La fermeture d'une plateforme, même de taille modeste comme celle de Microsoft, réduit d'autant les canaux de distribution disponibles. Pour les producteurs, cela signifie moins d'opportunités de monétiser leurs contenus et d'atteindre un public diversifié. Pour les distributeurs, c'est une source de revenus potentielle qui disparaît. Et pour les techniciens de l'audiovisuel, cela peut se traduire par une diminution des besoins en adaptation, encodage ou gestion de contenus spécifiques à une plateforme. 


De plus, cette situation renforce la position dominante des plateformes qui dictent de plus en plus les règles du jeu en matière de production et de distribution. Elles peuvent privilégier leurs propres contenus originaux, reléguant au second plan les œuvres tierces. Cela pose la question de la diversité culturelle et de la capacité des créateurs à trouver leur public en dehors des circuits traditionnels. La fermeture de la boutique Films et TV de Microsoft est un rappel que, dans l'ère numérique, la distribution n'est pas seulement une question de technologie, mais aussi de pouvoir et d'influence sur la création et la consommation de contenus audiovisuelles. 


Les leçons d'une fermeture annoncée 

Cette affaire met en lumière la fragilité de la propriété numérique. Les utilisateurs qui ont investi dans des films et des séries sur la plateforme de Microsoft se retrouvent aujourd'hui dans une situation précaire, leur accès à des contenus achetés dépendant

de la pérennité d'un service que l'entreprise a choisi d'abandonner. C'est un rappel brutal que, dans le monde numérique, l'achat n'est souvent qu'une licence d'utilisation révocable, et non une véritable possession. 


Pour l'industrie audiovisuelle, cette fermeture est un signal d'alarme. Elle souligne la concentration croissante du marché de la distribution numérique et les risques que cela représente pour la diversité de l'offre et la visibilité des œuvres. Les producteurs et distributeurs doivent être conscients de la volatilité des plateformes et de la nécessité de diversifier leurs canaux de diffusion pour garantir la pérennité de leurs contenus. 

Elle invite les utilisateurs à une plus grande prudence dans leurs achats dématérialisés, et à privilégier les solutions qui offrent une véritable portabilité et une pérennité des droits d'accès. L'avenir de la VOD, à l'heure de la domination de la SVOD et de la concentration des acteurs, dépendra de la capacité de l'industrie à construire un modèle plus juste et plus respectueux des droits et des attentes de tous les maillons de la chaîne, des créateurs aux consommateurs. 


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