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[ep02] L’IA au montage : Révolution ou simple assistant ?

Le monde de l’audiovisuel est en constante évolution, et l’intelligence artificielle (IA) y joue un rôle de plus en plus prépondérant.

Après avoir transformé l’indexation et la labellisation des rushes, l’IA s’attaque désormais à l’étape cruciale du montage vidéo. Longtemps considéré comme un art nécessitant une sensibilité humaine inégalée, le montage vidéo voit aujourd’hui l’émergence d’outils basés sur l’IA promettant rapidité, efficacité et même créativité. Mais cette intrusion technologique est-elle une révolution qui redéfinit les métiers, ou simplement une assistance bienvenue pour des tâches répétitives ? Cet article se propose d’explorer les facettes de cette transformation, en s’appuyant sur les dernières avancées, les témoignages du secteur et une analyse critique des capacités et des limites de l’IA dans ce domaine, en distinguant notamment les usages pour les productions courtes et les longs-métrages.

L’IA au service du montage : Un gain de temps indéniable et une efficacité accrue

L’un des arguments majeurs en faveur de l’IA dans le montage vidéo est le gain de temps considérable qu’elle offre. Les tâches chronophages et répétitives, qui occupent une part importante du travail d’un monteur, peuvent désormais être automatisées. Le document “Cartographie des usages IA” du CNC le mentionne [1].

Descript

Des outils comme PowerDirector [2] proposent des fonctionnalités IA pour l’amélioration vidéo (stabilisation, netteté), la suppression automatique des silences, la génération de sous-titres, ou encore la création de musique. De même, Descript [3] permet de monter une vidéo comme un document texte, en supprimant des mots pour couper l’audio/vidéo associé, ce qui est particulièrement utile pour les podcasts et interviews. Ces solutions permettent aux monteurs de se concentrer sur les aspects plus créatifs de leur travail, en déléguant les opérations fastidieuses à la machine.

Selon une étude de McKinsey, l’intégration de l’IA dans le montage vidéo a réduit le temps de production de 50%, ce qui se traduit par une accélération notable du time-to-market des contenus [4]. Ce gain d’efficacité est particulièrement attrayant pour les productions à contraintes économiques ou industrielles fortes, où chaque minute compte. Au-delà de la simple accélération, l’IA permet une optimisation des ressources humaines et matérielles, en réduisant le besoin de personnel pour des tâches répétitives et en libérant du temps pour des activités à plus forte valeur ajoutée. Cela se traduit par une meilleure allocation des budgets et une capacité accrue à produire plus de contenu avec les mêmes ressources.

Les capacités de l’IA : Au-delà de la simple automatisation, vers une assistance créative

L’IA ne se limite pas à l’automatisation des tâches basiques. Elle développe des capacités de plus en plus sophistiquées qui touchent au cœur même du processus de montage, offrant une véritable assistance créative :

• Re-cadrage automatique et formats adaptés : L’IA peut ajuster automatiquement le cadrage d’une vidéo pour l’adapter à différents formats (vertical, carré, etc.), une fonctionnalité précieuse pour la diffusion multiplateforme [3]. Cette capacité est essentielle à l’ère des réseaux sociaux, où chaque plateforme a ses propres spécifications, et où la réutilisation de contenu sur différents canaux est primordiale.
• Suggestion de musique et d’effets : Certains outils peuvent analyser le rythme et le contenu d’une vidéo pour suggérer des musiques adaptées ou des effets intelligents qui s’adaptent à un sujet en mouvement [2, 3]. L’IA peut même composer des bandes sonores originales basées sur l’ambiance souhaitée, offrant une personnalisation et une rapidité inégalées.
• Génération de contenu : Des plateformes comme Videosanonymes.fr [3] ou HeyGen [2] peuvent générer des vidéos complètes à partir d’un simple texte, avec des avatars animés et des voix de synthèse, sans nécessiter de montage manuel. Cela ouvre des perspectives pour la création rapide de tutoriels, de contenus marketing ou de vidéos d’entreprise, mais aussi pour la pré-visualisation rapide de scènes complexes avant un tournage coûteux.
• Amélioration de la qualité : L’IA peut améliorer la colorimétrie, stabiliser l’image, nettoyer l’audio en supprimant les bruits de fond, et même transformer des vidéos en animations de style cartoon [2, 3]. Ces améliorations automatiques permettent d’obtenir un rendu professionnel même avec des rushes de qualité moyenne, réduisant ainsi les coûts de production et post-production.

Heygen

Ces avancées montrent que l’IA est capable d’aller au-delà de la simple exécution, en proposant des choix artistiques et techniques qui étaient auparavant l’apanage du monteur humain. Des logiciels traditionnels comme Adobe Premiere Pro et Final Cut Pro intègrent également de plus en plus de fonctionnalités IA, comme l’“Auto Reframe” ou la détection automatique de scène [3]. L’IA devient ainsi un collaborateur intelligent, capable de prendre en charge des tâches complexes et d’offrir des suggestions pertinentes.

Distinction des types de montage : Des réseaux sociaux au long-métrage, des outils et des exigences différentes

L’IA offre des solutions variées, mais il est crucial de distinguer les besoins spécifiques selon le type de production. Les exigences d’un montage pour les réseaux sociaux, souvent courts et dynamiques, diffèrent grandement de celles d’un film documentaire ou d’une fiction long-métrage, qui demandent une narration plus complexe et une attention méticuleuse aux détails.

Pour les réseaux sociaux, où la rapidité de production et l’engagement sont primordiaux, les outils d’IA sont particulièrement efficaces. Ils permettent de générer rapidement des clips courts, d’ajouter des sous-titres automatiques, de recadrer pour différents formats (vertical pour TikTok, carré pour Instagram), et d’intégrer des musiques tendances. Des plateformes comme Klap [2] sont spécifiquement conçues pour transformer des vidéos standards en formats courts et attrayants pour les plateformes sociales. L’objectif est de capter l’attention en quelques secondes, et l’IA excelle dans l’automatisation des tâches nécessaires à cet effet. Les outils ici sont souvent des plateformes en ligne, intuitives et rapides, privilégiant la quantité et la viralité.

DaVinci Resolve

En revanche, pour les films documentaires et les fictions long-métrage, le montage est un processus artistique et narratif profond. Il s’agit de construire une histoire, de créer un rythme, de gérer les émotions et de donner du sens à l’ensemble. Les outils d’IA peuvent assister dans des tâches préliminaires comme le dérushage, la synchronisation audio-vidéo, ou la détection de scènes clés, mais la décision finale de la coupe, du rythme, de la musique et de l’enchaînement des plans reste l’apanage du monteur humain. Des logiciels professionnels comme DaVinci Resolve [2] ou Adobe Premiere Pro [5] intègrent des fonctionnalités IA pour optimiser le workflow, mais ils ne remplacent en aucun cas la vision artistique du monteur. Ici, les outils sont des suites logicielles complètes, nécessitant une expertise approfondie et offrant un contrôle granulaire sur chaque aspect du montage.

De nouveaux outils de génération de vidéos par IA, comme VEO 3 (mentionné dans les avancées récentes de l’IA générative), promettent de créer des séquences vidéo avec du son synchrone à partir de descriptions textuelles. Bien que ces technologies soient encore à leurs débuts pour des productions complexes, elles pourraient à terme révolutionner la phase de pré-visualisation ou la création de scènes très spécifiques, en offrant des ébauches rapides pour les équipes créatives. Cependant, la cohérence narrative, la direction artistique globale et la finesse des émotions resteront des défis majeurs pour l’IA dans le domaine du long-métrage. Ces outils, bien que prometteurs, sont encore loin de pouvoir remplacer la complexité et la subtilité d’un montage narratif.

Comment une IA décrit un montage par IA...

Les limites de l’IA : L’insaisissable touche humaine et la profondeur narrative

Malgré ces avancées impressionnantes, l’IA ne peut pas (encore) remplacer entièrement le monteur. La principale limite réside dans l’incapacité de l’IA à comprendre l’intention créative subtile, le storytelling, le rythme émotionnel et le branding [3].

Le montage est un art qui repose sur la narration, la capacité à susciter des émotions, à créer du sens à travers l’agencement des images et des sons. Ces aspects nécessitent une sensibilité, une intuition et une compréhension profonde de la psychologie humaine que l’IA ne possède pas. Les choix automatiques de l’IA, bien que techniquement corrects, peuvent manquer de nuance, de style et de la “patte” unique d’un monteur expérimenté. L’IA peut identifier des visages ou des objets, mais elle ne peut pas comprendre la signification profonde d’un regard, la tension d’un silence ou l’impact émotionnel d’une coupe inattendue. Elle ne peut pas non plus anticiper les réactions du public ou adapter le montage en fonction de la réception émotionnelle souhaitée.

De plus, la gestion des imprévus, l’adaptation à des demandes de dernière minute, la collaboration créative avec le réalisateur ou le producteur, et la capacité à résoudre des problèmes complexes qui sortent des schémas préétablis, sont autant de domaines où l’humain reste indispensable. L’IA est un outil puissant, mais elle reste un outil. Elle ne peut pas se substituer à la vision artistique, à l’expérience et à la capacité d’innovation d’un professionnel. La capacité à raconter une histoire de manière captivante, à créer des arcs narratifs complexes et à manipuler les émotions du spectateur est une compétence intrinsèquement humaine.

L’IA, malgré ses prouesses, ne peut pas (encore) appréhender la complexité des émotions humaines, l’ironie, le sarcasme ou les subtilités culturelles qui sont souvent au cœur d’une narration audiovisuelle réussie. Elle excelle dans l’analyse de données et l’exécution de tâches basées sur des modèles préexistants, mais elle peine à innover, à prendre des risques artistiques ou à créer des ruptures narratives inattendues qui surprennent et captivent le public. Le véritable génie du montage réside dans la capacité à transformer un ensemble de rushes en une œuvre cohérente, émouvante et percutante, une tâche qui exige une compréhension profonde de la psyché humaine et une vision artistique unique. L’IA peut optimiser, mais elle ne peut pas créer l’âme d’une œuvre.

Evolution des modèles IA

Coût, performance et impact environnemental : Une analyse nuancée

L’adoption de l’IA dans le montage vidéo soulève également des questions de coût, de performance et d’impact environnemental.

• Coût : Si certaines solutions IA sont accessibles, les implémentations sur mesure ou l’intégration de l’IA dans des workflows complexes peuvent représenter un investissement significatif. Cependant, les gains en efficacité et en productivité peuvent justifier ces coûts à long terme [4]. Le coût initial peut être élevé, mais le retour sur investissement peut être rapide grâce à l’accélération des processus et la réduction des erreurs. Il est important de noter que les coûts peuvent varier considérablement entre les solutions cloud basées sur l’abonnement et les logiciels installés localement nécessitant des infrastructures matérielles puissantes.
• Performance : Les outils IA sont de plus en plus performants, mais la qualité du rendu final peut varier. Pour des productions professionnelles exigeantes, un retravail humain reste souvent nécessaire pour atteindre le niveau de perfection attendu [4]. La performance de l’IA dépend fortement de la qualité des données d’entraînement et de la complexité des algorithmes. Si l’IA peut exceller dans des tâches spécifiques, elle peut rencontrer des difficultés face à des situations inédites ou des styles artistiques non conventionnels.
• Impact environnemental : L’entraînement et l’utilisation des modèles d’IA, en particulier les modèles génératifs, sont gourmands en énergie. La question de la soutenabilité et de l’impact écologique de ces technologies est de plus en plus soulevée, et il est crucial de trouver un équilibre entre les avantages de l’IA et son empreinte carbone [1]. Bien que le montage vidéo ne soit pas le domaine le plus énergivore de l’IA, l’utilisation massive de services cloud pour le traitement vidéo et l’entraînement de modèles spécifiques peut contribuer à une empreinte carbone non négligeable. Les entreprises du secteur sont de plus en plus conscientes de cette problématique et cherchent des solutions pour optimiser l’efficacité énergétique de leurs infrastructures IA.

L’IA, un copilote, pas un pilote automatique, et un futur collaboratif

En conclusion, l’IA dans le montage vidéo n’est pas une menace pour les créateurs, mais plutôt un puissant levier de productivité. Elle permet d’automatiser les tâches répétitives, d’accélérer les processus et d’ouvrir de nouvelles possibilités créatives. Cependant, elle ne remplace pas l’expertise, la sensibilité artistique et la vision narrative du monteur humain. L’IA est un copilote qui assiste le professionnel, lui permettant de se concentrer sur les aspects à plus forte valeur ajoutée de son métier.

L’avenir du montage vidéo réside probablement dans une collaboration harmonieuse entre l’humain et la machine, où l’IA prend en charge les aspects techniques et répétitifs, tandis que le monteur apporte sa créativité, son intuition et sa capacité à raconter des histoires. C’est en embrassant cette synergie que l’industrie audiovisuelle pourra continuer à innover et à produire des œuvres captivantes. La clé du succès résidera dans la capacité des professionnels à maîtriser ces nouveaux outils, à comprendre leurs forces et leurs faiblesses, et à les intégrer de manière intelligente dans leurs workflows pour amplifier leur propre créativité, plutôt que de la laisser dicter par la machine. Le monteur de demain sera un expert de la narration, mais aussi un chef d’orchestre des technologies IA, capable de tirer le meilleur parti de chaque innovation pour sublimer son art.

Et vous, quels outils utilisez-vous pour vos montages ?